Mesurons l’écart : en 2014, l’année précédant l’arrivée au pouvoir de Justin Trudeau, le Canada a établi un record en accueillant 260 000 immigrants. En 2025, selon les nouvelles cibles d’immigration dévoilées mardi par le ministre fédéral de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Sean Fraser, ils seront 500 000 nouveaux résidents permanents à s’installer au Canada (un autre record, évidemment). En une décennie, le Canada a donc presque doublé ses cibles d’immigration. Le Québec visant pour sa part 50 000 immigrants par année, on comprend que son poids démographique à l’intérieur du Canada va continuer de diminuer au cours des prochaines années — c’est l’une des grandes considérations de ce dossier, l’autre étant la question de l’avenir du français. Façon de dire que si on a beaucoup parlé d’immigration durant la dernière campagne électorale, ce n’était probablement encore qu’un début…
Le débat sur l’utilisation de la disposition de dérogation (communément appelée « clause nonobstant ») par des provinces canadiennes est passé à un autre niveau cette semaine.
La décision du premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, de recourir de façon préventive à cette disposition pour protéger un projet de loi qui empêcherait une grève du personnel de soutien dans les écoles ontariennes a fait vivement réagir le premier ministre Trudeau. Ce dernier estime qu’une province « ne devrait jamais utiliser la clause dérogatoire pour limiter les droits des travailleurs ».
Mais le dossier remet plus largement en lumière le rôle de la disposition de dérogation, que les provinces avaient exigée du gouvernement Trudeau père en échange du rapatriement de la Constitution et de l’inclusion de la Charte des droits et libertés, en 1981-1982. Cette disposition permet aux Parlements de contourner ou de supplanter temporairement certains droits de la Charte. Or, 40 ans plus tard, le gouvernement fédéral donne l’impression qu’aucun enjeu ne peut justifier qu’une province y ait recours…
Ce n’est pas le cas. Il y a d’ailleurs au Québec un long historique de son utilisation. En 2016, une étude de l’Université de Sherbrooke calculait que 41 lois québécoises avaient invoqué la disposition de dérogation depuis 1982 (on peut ajouter les lois 21 et 96 depuis). Les trois quarts de ces lois concernaient l’identité nationale ou le progrès social, notait l’étude. Cela dit, il serait probablement sain que la Cour suprême précise un peu les limites (s’il y en a) d’utilisation de la « clause nonobstant » : les dernières balises posées datent de 1988, et elles sont très larges.