Le sondage Léger-Québecor dévoilé samedi contient une foule de renseignements intéressants pour comprendre ce qui a guidé le choix des électeurs le 3 octobre. Sur le plan des enjeux, c’est la question de la gestion de la pandémie qui les a le plus influencés dans leur vote (19 %), devant le coût de la vie (14 %) et l’environnement (11 %). On y apprend que près des deux tiers des électeurs avaient fait leur choix avant même le déclenchement de la campagne (45 %), ou l’ont fait au tout début de cette période (18 %). On constate aussi que près de 40 % des électeurs du Parti québécois ont pris leur décision soit dans la dernière semaine, la dernière fin de semaine, ou même dans l’isoloir — façon de dire que si Paul St-Pierre Plamondon a bien sauvé quelques meubles, ce fut à l’arraché. Parlant de l’isoloir, on note surtout qu’au total, près d’un répondant sur dix (8 %) a indiqué avoir fait son choix le crayon à la main, caché derrière le paravent de carton… Si l’on transpose ces résultats dans la vraie vie, cela veut dire que des centaines de milliers de Québécois ont décidé à la toute dernière seconde où mettre un X sur le bulletin de vote qu’ils venaient de recevoir.
Au-delà de qui fera quoi, il y a dans la composition — et la construction — du conseil des ministres quelques messages qu’envoie François Legault. Voyons voir :
– L’arrivée de Geneviève Guilbault comme ministre des Transports (et de la Mobilité durable, notons-le !) fera certainement grincer des dents à l’hôtel de Ville de Québec. Grande défenderesse du projet de troisième lien, c’est aussi elle qui avait mené la charge contre le projet de tramway. Difficile d’y voir une main tendue à l’administration Marchand… Celle qui reste aussi vice-première ministre ne manquera pas de travail dans la région de Montréal non plus, avec les dossiers du prolongement de la ligne bleue, du REM de l’Est et de la réfection du tunnel Lafontaine qui tombent dans son assiette.
– Le « super ministre » Pierre Fitzgibbon sera suivi de près par la p.-d. g. d’Hydro-Québec, Sophie Brochu. Le chouchou de François Legault (qui nous répète sans cesse que le « Québec est chanceux d’avoir Pierre Fitzgibbon », malgré les reproches qu’il accumule au bureau de la commissaire à l’éthique) demeure ministre de l’Économie, mais devient aussi ministre de l’Énergie. Il sera donc une sorte de ministre de la Transition énergétique et du Développement économique, et il faudra voir si la vision de Québec à cet égard n’entre pas en conflit direct avec celle de Sophie Brochu, qui a envoyé des signaux très clairs à l’effet qu’on ne peut attirer des entreprises ici sans se soucier de la « facture » énergétique qui vient avec. Aussi à surveiller : quelles seront les relations de M. Fitzgibbon avec Valérie Plante, puisqu’il sera aussi ministre responsable de Montréal ? La mairesse trouvera-t-elle en lui une oreille attentive non seulement pour les dossiers économiques, mais aussi pour les enjeux sociaux ?
– En règle générale, c’est un cabinet de la continuité qui a été présenté jeudi : les deux tiers des 30 postes (il y en avait 26 jusqu’ici) sont occupés par des ministres du gouvernement Legault 1.0. Et plusieurs ministres retrouvent essentiellement les mêmes fonctions : Éric Girard (Finances) ; Sonia LeBel (Conseil du Trésor — elle cède les Relations canadiennes à Jean-François Roberge) ; Christian Dubé (Santé) ; Pierre Fitzgibbon (Économie) ; Benoît Charette (Environnement) ; Andrée Laforest (Affaires municipales) ; Simon Jolin-Barrette (Justice) ; Caroline Proulx (Tourisme) ; Isabelle Charest (Sport), Lionel Carmant (Services sociaux) ; Éric Caire (Cybersécurité et Numérique) ; André Lamontagne (Agriculture) ; et Ian Lafrenière (Relations avec les Premières Nations et les Inuit) sont tous de retour dans leur ministère, à quelques variations près.
– La manière dont le premier ministre a choisi de regrouper ou de nommer certains ministères donne une indication de la vision du gouvernement par rapport à ces enjeux (il faudra voir comment ça se reflète concrètement, cela dit). Quelques exemples, outre l’Économie et l’Énergie ? Les Affaires autochtones deviennent les Relations avec les Premières Nations et les Inuit. Il y a un nouveau « ministère des Infrastructures » (Jonatan Julien). Les Ressources naturelles ne sont plus avec l’Énergie, mais avec les Forêts. Une ministre est maintenant responsable de l’Habitation, et une autre s’occupera de la Solidarité sociale et l’Action communautaire : dans les deux cas, c’est une manière de reconnaître l’importance de ces enjeux.