Depuis les propos de Frédérique Vidal à propos de l’islamo-gauchisme, la polémique fait rage en France. Comment l’interprétez-vous ?
J’ai toujours vu la France et les Etats-Unis comme deux pays jumeaux, avec une vocation universaliste et un rayonnement intellectuel ; les deux pays sont à mon sens beaucoup plus proches que les Etats-Unis et le Royaume-Uni, par exemple. Si l’on revient à l’actualité, il est clair que les Etats-Unis jouent le rôle de bouc émissaire à des discours politiciens, qui ne servent en réalité que des fins électorales, en pointant un ennemi extérieur.
Cette polémique est-elle la nostalgie d’un temps où la France pesait plus dans le débat d’idées ?
Ce genre de polémique revient régulièrement, il me semble. Je suis désolé de briser les sentiments nostalgiques d’une France qui s’imagine encore être un phare de la pensée mondiale mais, si elle l’a été un temps, elle ne l’est plus aujourd’hui. Il y a eu une sorte de passage de témoins entre l’Europe et les Etats-Unis au début du XXe siècle.
Les campus américains, à l’origine des théories racialistes, sont la cible des critiques en France. Qu’en est-il de la liberté de chercher et de s’exprimer aux USA ?
On accuse effectivement les campus américains d’être devenus des refuges du politically correct, où il ne faudrait rien dire pour n’offenser personne. C’est vrai d’une certaine manière : il faut être attentif à ses propos car nous sommes évalués par nos étudiants. J’ai pu notamment, par le passé, être accusé de soutenir le colonialisme par un étudiant qui avait mal interprété mon propos lors d’un débat historiographique sur l’utilisation du terme “génocide” pour parler de l’extermination des peuples amérindiens pendant la colonisation européenne de l’Amérique. Mais il faut aussi voir l’autre face de la médaille : je suis devenu bien plus attentif à toutes sortes de petits privilèges et d’a priori dont j’ai longtemps bénéficié, en tant qu’homme blanc éduqué et hétérosexuel, sans jamais m’en rendre compte ni avoir à en douter. (...)
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